C’était un engagement du gouvernement, faire le bilan de la mise en place le 1er juillet 2018 des 80 km/h sur la route après 2 ans d’expérimentation. C’est chose faites par l’intermédiaire du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) avec l’appui de l’observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) et d’experts indépendants internationaux. Le bilan est plutôt positif avec 349 vies épargnées sur 20 mois et une estimation de près de 700 millions d’euros économisés par an.
349 vies sauvées sur 20 mois
Le bilan a été réalisé du 1er juillet 2018 au 28 février 2020 sur 20 mois, afin de sortir la période de confinement de la COVID-19 des statistiques, une période qui a connu des chiffres historiquement bas en matière de sécurité routière pour des raisons évidentes. L’analyse est articulée autour de cinq axes : l’accidentalité routière, les vitesses pratiquées, l’acceptabilité sociale, les temps de parcours et le bilan socio-économique.
Ainsi sur cette période de 20 mois, c’est 349 vies qui auraient été sauvées sur le réseau routier secondaire hors agglomération et hors autoroute a annoncé Marie Gautier-Melleray, la nouvelle déléguée interministérielle à la sécurité routière. Cette amélioration du nombre de décès n’est d’ailleurs constatée que sur ces routes limitées à 80 km/h, sur le reste du réseau on observe une détérioration avec 48 morts supplémentaires sur la même période.
Des accidents de la route moins graves
Sur la période concernée le Cerema indique que le nombre d’accidents corporels est stable mais que leur gravité a diminué. Le nombre de morts rapporté au nombre d’accidents a ainsi baissé de 10%. Le centre d’étude a aussi mis en lumière une baisse significative des accidents par collision arrière avec un poids-lourd. Cette analyse est assez logique car la vitesse est un facteur aggravant de toutes les causes d’accidents de la route en plus d’être un déclencheur.
Le bilan en quelques chiffres
- 349 vies épargnées sur 20 mois ;
- 1 seconde par kilomètre de perdue pour les usagers de la route ;
- 3,3 km/h en moyenne en moins sur le réseau routier considéré : c’est-à-dire les routes à double sens et sans séparateur central ;
- 700 millions d’euros d’économie par an pour la société (diminution des accidents et une baisse de la consommation de carburant) ;
1 français sur 2 est pour les 80 km/h
La limitation de vitesse à 80 km/h sur la route avait été annoncée par Edouard Philippe lors du CISR du 9 janvier 2018 (Conseil Inter-ministériel de la Sécurité Routière) et la mesure avait fait grand bruit notamment dans le péri-urbain et dans le monde rural. Certains ont même décrit cette mesure comme la première étincelle qui a engendré le mouvement des “gilets jaunes”. L’acceptabilité est très importante en matière de politique publique et la sécurité routière a commencé à communiquer sur cet aspect.
D’après les chiffres de l’ONISR, la mesure commencerait à faire son chemin dans les esprits avec près de 48% des français en faveur des 80km/h en juin 2020 alors qu’ils n’étaient que 30% en avril 2018 (source: sondage IPSOS/Cerema sur un échantillon de 3 000 français représentatifs).
“Le 80 km/h est une mesure efficiente. […] Cette mesure demande un petit effort à chacun, mais les gains collectifs sont extrêmement importants.”
Marie Gautier-Melleray, déléguée interministérielle à la sécurité routière.
La machine à cash ?
Souvent repris, cet argument est peut être contesté quand on sait qu’en 2018 le montant des amendes issues des infractions de la route s’élève à 1,75 milliard d’euros contre un coût des accidents de la route estimé quant à lui à 33,4 milliard d’euros (source: document de politique transversale relatif à la sécurité routière publié en annexe du PLF pour 2020).
Alors qu’en 2018, seuls 21% des recettes des radars automatiques sont allés dans les caisses de l’Etat pour le désendettement, n’existerait-t-il pas un moyen plus efficace et moins coûteux politiquement (moins impopulaire) pour récolter 2 milliards d’euros que de verbaliser des amendes pour excès de vitesse ? Il est à noter aussi que les coûts d’entretien du parc des radars automatiques ont augmenté ces deux dernières années avec les dégradations successives.
Un argument écologique ?
L’acceptabilité de la mesure est à questionner sur différents angles en sus des statistiques sur l’accidentologie. Il ne faut pas sous-estimer la sensibilité écologique, une préoccupation croissante dans la population comme en atteste les derniers résultats aux élections municipales. Une part croissante des citoyens a pris conscience de la nécessité de changer certains comportements. Perdre une seconde sur un kilomètre, c’est un effort modeste au regard des gains attendus pour la société.
De nombreux départements sont repassés à 90km/h
La mesure est aussi mieux acceptée car des concessions ont été faites afin de faire coller la nouvelle limitation de vitesse aux réalités du terrain. En effet, en fonction de l’état de la chaussée il vaut mieux même parfois passer à 70 km/h certaines portions de route que de rouler à 80 km/h et dans d’autres cas le contraire. Sur la base de la réalité du terrain, certains départements ont repassé certaines départementales à 90 km/h.
Néanmoins à l’échelle nationale, la mesure est inscrite dans le Code de la route et au regard des résultats de cette “expérimentation” il n’est pour l’instant pas prévu de revenir aux 90km/h sur tout le territoire.